Un chemin pour instruire et construire l’humain

« Il est nécessaire que nous apprenions à bien utiliser tous les nouveaux outils de communication et de transmission. Cependant, ceux-ci, tout en modifiant radicalement notre rapport au temps et à l’espace, sont en train de nous déshumaniser en généralisant l’usage de la communication indirecte et souvent anonyme à la place de la communication directe, ce qui
transforme les relations à l’autre en relations indirectes et virtuelles.
Or le conte, écouté et raconté, s’il ne peut pas, à lui seul, résoudre tous les problèmes, permet au moins la reconstruction d’un lien social, le développement d’une solidarité de groupe et la maîtrise de la parole qui permet, entre autres, son usage plutôt que le recours à la violence pour la résolution de conflits.»

Suzy PLATIEL (février 2018)

cercle conteurs venera

Bref historique

Suzy Platiel est une ethnolinguiste africaniste du CNRS.
De 1967 à 1969, son travail de linguiste l’a amenée à partager la vie quotidienne de la société san, population Mandé du Burkina Faso de tradition exclusivement orale. Elle y a découvert le rôle essentiel que jouait le conte dans l’éducation des jeunes sanan, les conduisant à devenir des adultes accomplis, bien intégrés dans leur société.
De 1984 à 1987, afin de vérifier ses hypothèses sur la fonction éducative du conte, elle est intervenue régulièrement en milieu scolaire, du CP à la sixième, auprès d ‘élèves issus de milieux sociaux très divers.
Par ailleurs, pour reproduire le modèle san d’éducation à travers les contes, elle a impulsé la création d’ateliers permettant aux enfants d’être témoins d’adultes racontant.
« Les enfants apprennent en écoutant les adultes et en pratiquant avec les enfants. » Suzy PLATIEL (octobre 2018)
Ce sont ces ateliers qui inspirent le dispositif actuel des cercles conteurs

Définition 

Les cercles conteurs sont des groupes créés pour partager un répertoire commun issu de la littérature orale (contes, comptines, devinettes…).

Il ne s’agit ni de former des conteurs, ni de préparer un spectacle, mais de permettre à chacun, enfant, adulte, de s’approprier ce répertoire, en y apportant sa voix et sa personnalité, et de partager un véritable plaisir commun.

Source: Nathalie Thibur, conteuse et formatrice-  Séminaire européen DECOLANG – Paris – Mars 2018 

Pourquoi ?

Pour construire l’être individu en l’aidant à structurer sa pensée et à maîtriser la parole par :
– le développement de la capacité de concentration et d’abstraction
– le développement de la capacité de mémorisation liée à l’imprégnation et à l’appropriation et non au par coeur
– le développement des compétences langagières (vocabulaire, construction de la phrase, emploi des temps, différence entre récit et dialogue)
– l’acquisition du langage d’évocation, de symbolisation
– le développement de sa capacité à se faire des images mentales
– la progression en compréhension et l’apprentissage du raisonnement logique (relations cause/conséquence)

Pour construire l’être social et l’être humain en l’aidant à écouter le langage du corps, le sien et celui de son interlocuteur, afin d’en tenir compte dans son propre discours pour le modifier si nécessaire. En construisant dans le plaisir, l’écoute et le respect de l’autre au sein d’un groupe, ce qui développe le lien social, la solidarité et le sentiment d’appartenance à une même société. En s’appropriant, à travers les messages du conte, les codes de comportement de sa société. En prenant connaissance du patrimoine immatériel de l’humanité.

« C’est la spécificité particulière du genre conte qui va permettre à l’enfant de se sentir, au delà de son individualité et de sa culture, un être humain semblable à tout autre être humain. Comment ? La personne qui raconte n’est pas propriétaire du conte qu’elle raconte, elle n’est qu’un passeur qui est là pour transmettre, et chacun a le droit de se l’approprier avec son vocabulaire, son émotivité, sa créativité et la façon dont le conte a résonné en lui en tant qu’individu. Or[…] chaque individu le reçoit toujours au sein d’un public avec qui il partage le plaisir d’écouter des contes et, dans le même temps, il sait que chacun a le même droit que lui de se l’approprier pour le raconter à son tour. Et ce plaisir partagé sans désir de possession exclusive mais au contraire avec le désir de faire partager son plaisir à d’autres crée une solidarité qui dépasse le cercle étroit de son propre groupe, d’autant que les mêmes thèmes se retrouvent dans le monde entier car ils expriment le fondement de ce qui est la spécificité de l’être humain. »

Source : « La parole partagée, la parole échangée, base et tissu du lien social et de l’affirmation de son identité », Suzy Platiel, CNRS, France, juin 2013.

Comment?

Assis en cercle, les participants, enfants, adultes écoutent et réécoutent des contes transmis oralement par le conteur sans le support d’un livre. Les histoires proposées sont des contes traditionnels de diverses cultures. Au fil du temps, chacun aura l’espace nécessaire, s’il le souhaite, pour conter à son tour l’un des contes écoutés. Les séances nécessitent un cadre sécurisant pour encourager et accompagner la prise de parole(régularité, rituels, respect et étayage de la parole, bienveillance à l’égard de la personne qui conte). Tout se vit au sein de ce « temps et espace de parole ». Il n’y a pas d’utilisation à posteriori de ce qui a été dit.

Pour en savoir plus

Une vidéo : https://images.cnrs.fr/video/4095

Une émission de radio :
https://www.franceculture.fr/emissions/sur-les-docks-14-15/prelude-au-salon-du-livre-23-les-histoires-de-suzy-platiel-plaidoyer

Un article : https://gerflint.fr/Base/France7/nicole.pdf